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Événement au bord du lac
La nouvelle se répandit comme l’éclair
et la foule se rua vers les bords du lac
où gisait sans souffle, las de son long voyage,
le cheval ailé aux yeux de clarté astrale,
aux naseaux couverts de givre sibérien,
à la crinière couverte de poussière du Sahara.
Ayant fait le tour du monde, survolé mers et océans,
à peine trouva-t-il la force de se poser près de son lac natal
pour s’abreuver de son eau, limpide, froide, guérisseuse.
Il se posa sur le bord, brisé par sa longue errance,
trop faible pour faire le dernier pas : plonger dans l’eau limpide et guérisseuse
qui lui rendrait le souffle,
et le ramènerait à la vie.
Alentour, la foule se bousculait et murmurait :
les femmes priaient, les enfants écarquillaient les yeux,
certains hommes y voyaient pure folie,
d’autres, vain voyage et vol sans issue,
alors que lui, ne trouvait d’autre sens à la vie
que celui de découvrir le monde, pour découvrir son pays.
Trois jours qu’il était là, étendu près des eaux,
sans reprendre souffle,
trois jours qu’il ne parvint ni à se lever
ni à mourir.
Trois jours la foule patiente attendait,
et le quatrième, lentement quitta les lieux,
laissant le cheval seul sur le bord.
Mais alors que le dernier homme s’apprêtait à partir
survint une averse, le lac s’enfla
et ses vagues déferlèrent sur le cheval.
Ayant puisé force dans les eaux, limpides et guérisseuses,
le cheval hennit de toute sa gorge.
La foule stupéfaite se retourna
et le vit plonger dans le lac,
jouer avec les vagues,
s’abreuver de l’eau limpide et guérisseuse.
Cela ne dura que quelques instants,
et déjà il regagnait le bord
et s’élançait dans les hauteurs comme prenant son envol.
Il emportait en lui son ultime dessein,
découvrir son pays, pour découvrir le monde.
Аco Šopov, Pоème de la femme noire (Песна на црната жена), 1976
Traduit par Edouard J. Maunick, Anthologie personnelle, 1994