Chant de l’initié

(pour trois tam-tams : gorong, talmbatt et mbalakh)

Voilà qu’émerge de la Nuit, pur, l’autel vertical et son front de granit
Puis la ligne de ses sourcils, comme l’ombre frais d’un kori*.
Au Pèlerin dont les yeux sont lavés par le jeûne et les cendres et les veilles
Apparaît au Soleil-levant, sur le suprême pic, la tête du Lion rouge
En sa majesté surréelle. O Tueur ! O terrible ! et je cède et défaille.
Je n’ai pas une corne d’antilope, je n’ai qu’une trompe pleine de vide
Ma pleine besace intégrale. Ah ! que tu me foudroies de tes éclairs jumeaux
– Formidable douceur de leur rugit ! délice inexorable de leurs griffes !
Et que je meure soudain pour renaître dans la révélation de la Beauté !
Silence silence sur l’ombre… Sourd tam-tam… tam-tam lent… lourd tam-tam… tam-tam noir…

Léopold Sédar Senghor, Nocturnes, 1961
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* Ligne de verdure qui, dans le désert, dessine le lit d’une rivière, le plus souvent à sec.