This post is also available in: Macedonian French Spanish Serbian Croatian Bosnian Hungarian Italian Arabic

Horrordeath

Here all things are born and die on their own.
A great stone. A scar. A mumbled, muted word.
Spring is its mother and stepmother, wicked and shrewd.
Ashes of the dream, dream of the ashes. Horrordeath.

Droughts drink it, black rains sift it,
days heap it with night, layer upon layer,
while down its hide the vertebrae stiffen
with ossified shadows of raw flesh and rage.

Here winds are whistling and dark ghosts wail,
here the first crime, sin, punishment, rebuke.
Here sleep human and beast in one lair,
and the little child takes her first stumbling step.

The bread on it grows from a root deep and bitter,
so it is dry and sweet and sears like a flame.
Song, should some weary hermit accost you,
accept him as your own: he burns the same.

O rose in the throat, snakeberry in the mouth,
wild itch of blood with itself contending;
O land of delectable, deadly poisons,
the blazing boulder rolls. Burning. Burning. Burning.

Here all things, on their own, are born and die.
A great stone. A scar. A mumbled, muted word.
Spring is its mother and stepmother, full of lies.
Ashes of the dream, dream of the ashes. Horrordeath.

Aco Šopov, Reader of the Ashes (Гледач во пепелта), 1970
Translated by Rawley Grau and Christina E. Kramer, 2022

Ecoutez des extraits du poème en macédonien

 

À propos du poème “Effroi”

Il est question de la parole, de ce pouvoir qu’on n’en finit pas de questionner sans jamais l’expliquer qu’elle a de nous entrouvrir la porte d’un monde d’une étrange beauté et d’un ordre insolite, puis subitement de nous ramener vers les apparences de lа vie qui suit son cours chaotique. À cet instant, comme dans un effrayant tourment, amer comme une baie de serpent, cruel comme une morsure dans le sang, tout se confond et disparaît.

Le poète est, dans le poème, comme dans une caverne glaciale, comme dans une forêt où à perte de vue de gigantesques paroles pétrifiées gisent dispersées en lieu d’arbres. C’est à lui de les tirer de la mort, de les réveiller de leur sommeil de pierre, de raviver la forêt, pour que les arbres se mettent à marcher. Souvent il réussit et peut-être plus souvent encore il se tient là, dans cette forêt, confus et impuissant, sollicitant en vain sa mémoire poétique à lui venir aide dans son désespoir. À pure perte, car chaque poème est une intuition unique, une révélation unique, sans réplique possible, une fois saisi. Ainsi, de poème en poème. À peine la boucle est-elle bouclée qu’une autre doit s’ouvrir. Et toujours, la même maudite question revient : Comment ?
– Aco Šopov, « Le poète doit réveiller les paroles », 1969

Un poème hautement inspiré, exceptionnel, qui aborde le tremblement de terre de Skopje pour ainsi dire de l’intérieur, farouchement hostile au discours descriptif qui, en particulier à propos de cet événement traumatisant, s’est si souvent imposé dans notre poésie et notre art en général.

– Draško Ređep, « Le Soleil noir d’Aco Šopov », 1970