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Stigmate
Sang, je t’ai enfermé dans neuf jardins,
dans neuf gorges incarcéré,
que me veux-tu encore, pourquoi me harceler,
pourquoi, sang, la menace de ton sabot noir,
pourquoi tant de voracité?
Dans neuf jardins je t’ai enfermé, dans neuf gorges,
calme-toi, sang, coule au profond de ta nuit
où voici depuis longtemps déjà ton rouge sanglier
cherche un antre où se reposer.
Sang, coule au profond de ta nuit,
sans te retourner,
il n’est pour te dompter d’enclos plus propice
que ces neuf jardins, ces neuf jardins
vivant de ta verdure,
que ces neuf gorges, ces neufs gorges
célébrant le printemps de tes chants.
Sang, coule au profond de ta nuit,
et ne me dis pas:
écoute rouler au loin,
écoute gronder la forêt,
viennent des chevaux par des chemins de lune et d’étoiles,
viennent des chevaux, des chevaux, des chevaux, des pur-sang,
viennent des chevaux pour me piétiner,
qu’ils viennent, qu’ils viennent me piétiner.
Mais je ruerai sur eux et mon sabot
les frappera en plein front
afin qu’ils se souviennent et qu’ils parlent de moi,
que dans le soir luise leur stigmate
et dans leurs nuits sans lune,
et dans leurs jours sans lumière,
par leurs chemins sous les ivraies.
Tais-toi, sang. Sang, calme-toi,
enfermé dans neuf jardins,
dans neuf gorges incarcéré
tel un souverain tout-puissant
dans sa tour d’ivoire.
Аco Šopov, Non-être (Небиднина), 1963
Traduit par Edouard J. Maunick, Anthologie personnelle, 1994. Publié également dans Poésie 93, n˚ 47, avril 1993, pp. 100-101.