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Flamboyants avant les fleurs
Tout le long de la nuit la terre gémissait,
sèche, craquelée comme un tourteau trop cuit,
tout le long de la nuit les vents du désert soufflaient,
comblant de sable les fissures.
À force de se dévêtir, l’océan déchira toutes ses chemises bleues
mais ne parvint pas à se calmer.
Seul le ciel demeurait serein et vide
comme si de rien n’était,
comme s’il ne voyait pas ce naufrage.
Tout le long de la nuit la terre hurlait.
Ou ce furent les fauves assoiffés,
errant à travers savanes et forêts,
pour mourir enfin au bord des sources sèches.
Ou ce furent les arbres pliés à se rompre,
léchant de leurs feuilles la terre sèche.
Seul le ciel demeurait cruellement serein et vide
comme si nul n’avait besoin de pluie,
comme s’il ne voyait pas ce naufrage.
Tout le long de la nuit la terre se convulsait.
Ou ce furent les hommes attendant la pluie
comme l’on attend le nouveau-né
crispé dans le ventre sans vie.
Avant l’aube tout fut recru et tout s’assoupit :
hommes, arbres, fauves.
Seules les chemises en lambeaux flottaient sur l’océan.
Et au petit matin, telle une aurore de terre saignée,
(fleurs rouges et incendies, la ville en feu)
les flamboyants avaient fleuri.
Аco Šopov, Pоème de la femme noire (Песна на црната жена), 1976
Traduit par Edouard J. Maunick, Anthologie personnelle, 1994