L’Ouragan

L’ouragan arrache tout autour de moi
Et l’ouragan arrache en moi feuilles et paroles futiles.
Des tourbillons de passion sifflent en silence
Mais paix sur la tornade, sur la fuite de l’hivernage !

Toi Vent ardent Vent pur, Vent-de-belle-saison, brûle toute fleure toute pensée vaine
Quand retombe le sable sur les dunes du cœur.
Servante, suspends ton geste de statue et vous, enfants, vos jeux et vos rires d’ivoire.
Toi, qu’elle consume ta voix avec ton corps, qu’elle sèche le parfum de ta chair
La flamme qui illumine ma nuit, comme une colonne et comme une palme.
Embrase mes lèvres mes lèvres de sang, Esprit, souffle sur les cordes de ma kôra*
Que s’élève mon chant, aussi pur que l’or de Galam**.

Léopold Sédar Senghor, Nocturnes, 1961
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* Instrument noble à cordes et caisse de résonance.
** Région située sur la rive droite du fleuve Sénégal, voisine de la frontière du Mali.