Et le soleil
Et le soleil boule de feu, déclive sur la mer vermeille.
Au bord de la brousse et de l’abîme, je m’égare dans le dédale du sentier.
Elle me suit, cette senteur haute altière qui irrite mes narines
délicieusement. Elle me suit et tu me suis, mon double.
Le soleil plonge dans l’angoisse
Dans un foisonnement de lumières, dans un tressaillement de couleurs de cris de colères.
Une pirogue, fine comme une aiguille dans une mère immense étale
Un rameur et son double.
Saignent les grès du cap de Nase quand s’allume le phare des Mamelles
Au loin. Le chagrin tel me point à ta pensée.
Je pense à toi quand je marche je nage
Assis ou debout, je pense à toi le matin et le soir
La nuit quand je pleure, eh oui quand je ris
Quand je parle et me parme et quand je me tais
Dans mes joies et mes peines. Quand je pense et ne pense pas
Chère je pense à toi !
Léopold Sédar Senghor, Lettres d’hivernage, 1973